Painting by Cheri Samba

Lokuta eyaka na ascenseur, kasi vérité eyei na escalier mpe ekomi. Lies come up in the elevator; the truth takes the stairs but gets here eventually. - Koffi Olomide

Ésthetique eboma vélo. Aesthetics will kill a bicycle. - Felix Wazekwa

Monday, July 27, 2015

Podcast: Philippe Biyoya sur le dialogue politique, le processus électoral et le découpage

Philippe Biyoya est directeur de l'Institut panafricain des relations internationales et stratégiques (IPRIS) et professeur en sciences politique à l'Université de Lubumbashi.

Tuesday, July 21, 2015

Relève au sein des FARDC : la fin des massacres à Beni?

Le chef de la MONUSCO Martin Kobler et le Gouverneur Julien Paluku assistent aux obsèques des victimes des massacres à Beni (Radio Okapi) 
Ce blog présente un aperçu des recherches préliminaires menées dans le territoire de Beni par le Groupe d'étude sur le Congo (GEC).

Voici plus d’un mois qu’il n’y a plus eu de massacres  en ville et Territoire de Beni, malgré la persistance de bruits de bottes. L’accalmie coïncide avec la relève du commandement et d’une partie des troupes des FARDC engagées dans les opérations Sukola 1 contre les rebelles ougandais ADF (Allied Democratic Forces). La concomitance de la fin – ou suspension – des massacres avec ces changements au sein des FARDC  attire certes la curiosité sur la portée de ceux-ci, mais surtout sur le rôle des FARDC, les facteurs ayant conduit à la relève et les conséquences perçues de ces changements sur l’évolution du contexte.

La relève et restructuration au sein des FARDC engagées dans les opérations Sokola 1 
Les cérémonies de passation du commandement ont eu lieu le vendredi 5 juin 2015 au camp FARDC de l’OZACAF Beni. Le Général de Brigade Muhindo Akilimali Charles (Akili Mundos), commandant la 31e brigade, a été remplacé à la tête du secteur opérationnel Nord-Kivu, Grand-Nord, Opérations Sukola 1, par le Général de Brigade Mbangu Mashita Marcel. La mission assignée au nouveau commandant : neutraliser les ADF. L’ancien commandant adjoint des opérations Sukola 1, colonel Muhima,  a également été remplacé. La cérémonie, présidée par le commandant de la 3e zone de défense des FARDC, le général-major Léon Mushale, s’est déroulée en présence du chef d’Etat-major général des FARDC, le général Didier Etumba, et du Représentant spécial adjoint du Secrétaire Général des Nations unies en RDC, David Gresley.
Au niveau des troupes, celles qui ont été relevées du Nord-Kivu sont :
  •       le 801ème Régiment du colonel  Mugisha, relevé de  Kasando (Territoire de Lubero) ;
  •       le 1007ème  régiment du  colonel Karomo (désormais  3415ème brigade et  redéployé au Sud-Kivu) ;
  •       le 808ème  régiment du colonel Murenzi, redéployé au  Sud Kivu comme 3407ème brigade ;
  •       la 31ème Brigade commandée par Mundos (redéployée à Mambasa).
Parmi les troupes arrivées du Sud-Kivu et de l’extrême sud du Nord-Kivu, on compte :
  •       le 311ème  bataillon URR (unité de réaction rapide) du général Kalonda venu de Nyiragongo pour couvrir désormais l’axe Mbau-Kamango ;
  •       le 3302e  régiment  (en  remplacement du 808e);
  •       le 3310e  régiment ;
  •       le 3304e régiment en provenance de la plaine de la Ruzizi.
D’autres troupes proviennent de la Province Orientale. C’est le cas du 905ème régiment venu de Dungu (et qui s’occupera désormais de l’axe Oïcha-Eringeti).
Certaines autres troupes ont subi des petits changements sans être déplacées de Beni. En l’occurrence :
  • Le 805ème régiment est devenu 3402ème brigade ; il sera sous les ordres du colonel  Balinga en remplacement du colonel Kennedy, pour contrôler  la brousse autour d’Oïcha ;
  • Le 809ème régiment devenu 3408ème brigade contrôle Oïcha qui devient un sous-secteur opérationnel, sous les ordres du colonel Fredy Kabalenga, en remplacement du colonel Kisembo ;
  • Le 1003ème régiment devient 3413ème brigade et contrôle Beni-ville sous les ordres du colonel Emile, en remplacement du colonel Tangazo, muté désormais sur l’axe Mutwanga à la tête du 1006ème régiment (devenu 3414ème brigade).
Pourquoi ces changements ? Certainement le vœu sans cesse répété par les structures de la société civile à chaque passage d’une autorité nationale ou internationale a joué un rôle important (ex : Déclaration du Conseil Culturel de Mutwanga 15 au 17 mai 2015 et le Message du 23 mai 2015 des Evêques du Kivu). Depuis des mois, ces structures ont dénoncé l’inaction et l’inefficacité du gouvernement, des plaintes  renforcées par le rapport de la mission parlementaire de novembre 2014.  Certaines de ces plaintes vont jusqu’à accuser les FARDC de complicité avec les massacreurs.

Il est tôt d’essayer de parler de conséquences de ces changements. Mais déjà on peut constater une hausse en confiance de la population locale envers l’Etat, et on voit que les paysans commencent à rentrer dans leurs champs. Ces changements ont aussi ouvert l’opportunité de renforcer la discipline militaire en enquêtant sur l’implication de certains FARDC et en sanctionnant les éventuels indisciplinés (Comme le lieutenant-colonel Benjamin Kiwebe arrêté le 14/06/2015). Néanmoins, les massacres continuent– on en compte trois depuis le départ du Général Mundos : le 26 juin, le 9 juillet et le 14 juillet.

Confusion sur les forces en présence et le rôle des FARDC

Le départ des commandants contestés n’a pas maté la controverse autour de l’identité des assaillants. Les conjectures et spéculations demeurent dans tous les sens :
  • Les ADF qui ne seraient plus que cinq centaines avant d’être quasi-entièrement défaits par les Opérations Sukola 1 pendant le premier semestre 2014 et dont les résidus seraient tentés de se venger ou de détruire la confiance de la population envers les FARDC ;
  • Les familles hutu dont les migrations en quête de champs vers « Boga et Tchabi » en passant par Beni coïncident avec les massacres à Beni ;
  • Les élites politiques locales rivales qui essaieraient de se diaboliser mutuellement à l’approche des élections ;
  • Les FARDC, infiltrées ou complices, dont l’inaction ou l’inefficacité face aux massacreurs ne rime point avec leur omniprésente position de force dans la contrée ;
  • Le M23 et autres groupes armés intéressés à préparer le lit d’une nouvelle rébellion.
Même si au niveau des FARDC et de la MONUSCO l’hypothèse mis en avant reste celle des ADF, des contradictions au niveau des témoignages des survivants laissent planer le doute sur l’identité des assaillants. Le rôle des FARDC en tant qu’ « acteurs sécurisants » les plus officiels et légitimes a été difficile à décrire pendant les 8 mois de grands massacres (octobre 2014–mai 2015), au milieu d’une confusion que personne, en commençant par les FARDC, n’a réussi à dissiper pour identifier clairement les massacreurs contre qui l’Etat congolais est censé se battre pour la sécurité de la population.

Monday, July 20, 2015

Burundi votes, bracing for unrest

Nkurunziza, Kikwete, Kenyatta, Museveni, and Kagame (Associated Press)

Burundi stands at a crossroads in its peace process. As Burundian go to the polls tomorrow to elect a president, more than at any other time since the signing of the Arusha Agreement in 2000, the country risks relapsing into broad scale violence. 

Since President Pierre Nkurunziza announced on April 25 that he would stand for a third term in office––a step explicitly barred by the Arusha Agreement of 2000––the country has been in turmoil. Three weeks of protests in the streets of Bujumbura culminated in a coup attempt, which failed and sent the coup plotters into exile or prison. The coup also transformed the dynamics of protest, allowing the government to portray all protesters as rebel sympathizers (some radios and protesters had indeed celebrated the coup) and to radicalize their repression. This, in turn, sent a message to the opposition that "the only way [to get rid of Nkurunziza" will be through violence," as Alexis Sinduhije, leader of the MSD party, put it.  

The future, to a significant degree, lies in the hands of regional leaders. South Africa and Tanzania were the brokers of the Arusha Agreement, as well as of subsequent agreements between the then-government and the CNDD-FDD rebellion (now in power) in 2003, and between the government and the FNL in 2008. It is true that donors have extensive financial influence––around half of national budget comes from foreign aid, and the country would be insolvent with outside support––but the Burundian president appears willing to tighten the country's fiscal belt if needed, and aid cuts would probably hurt the poor fastest and hardest. 

It would be more difficult for Nkurunzuza, however, if, as Burundi's neighbors began to force him out of power.  When Pierre Buyoya carried out a coup in 1996, its neighbors imposed a trade embargo for several years that brought the country to its knees. 

Indeed, this time, again, it appeared that the region was going to weigh in against a third term for Nkurunziza. In March, Tanzanian President Jakaya Kikwete came out against a third term for Nkurunziza. Rwanda's President Paul Kagame, who himself appears to be seeking a third term, rather said that Nkurunziza should step down because he is not delivering for his people. 

However, a meeting of the East African Community (EAC) in Dar es Salaam on 31 May concluded only by condemning the coup attempt and asking for the government to postpone elections and disarm youth militias. It made no mention of the third term issue, despite a confidential report (leaked later) by the Attorneys-General of the EAC saying that another term would violate the constitution. Since then, Kikwete has instead suggested that the crisis could be resolved by forging a government of national unity. Similarly, while South African President Jacob Zuma initially called on Nkurunziza to respect term limits, South African officials appear to be prevaricating now. (Zuma's former wife, Nkosazana Dlamini-Zuma, the chairperson of the African Union, has been more consistent)

Why this change of opinion? In part, it may just be because leaders in the region are attempting to placate and talk reason into an increasingly obstinate Nkurunziza. Also, it is difficult for leaders such as Museveni, who changed his own constitution in 2005 to run for another mandate, and Kagame, who appears to be preparing to do the same, to oppose term limits. 

But a more likely reason is geopolitics. Burundi has become swept up in regional antagonisms that pit Rwanda against Tanzania and South Africa. Part of this is economic––Rwanda, Kenya, and Uganda form part of a "union of the willing" within the East African Community more eager to pursue regional integration than Burundi and Tanzania. 

But there is also a larger, more weighty power struggle. Tanzania has chided Rwanda for not negotiating with its armed opponents, the FDLR. This lead to virulent attacks against Kikwete by Rwandan media and politicians, and relations between Kagame and Kikwete are famously frosty. South African officials still bridle at Rwandan attempts to assassinate its opponents on South African soil, including just before the beginning of the World Cup in 2010. 

The two countries' decision to send troops as part of the United Nations special brigade to combat the Rwandan-backed M23 in the Congo should be seen in that light. As should evidence that Tanzania has been hosting FDLR delegations since at least 2013  (as documented by the UN Group of Experts), and the unwillingness of both Tanzania and South Africa to back military operations against the FDLR in the Congo. In meetings with diplomats, Tanzanian officials have gone so far to call the FDLR "freedom fighters." Rwanda now claims that Nkurunziza is colluding with FDLR, although there has been little evidence of that thus far. 

There is also mounting evidence that Rwanda has been backing Burundi's coup plotters. Several of them fled to Rwanda after their failed attempt to take power. According to sources in Rwanda and among the diplomatic community, insurgents who launched an attack on northern Burundi on July 10 came from Rwanda and had some backing there. Both Rwanda and the coup plotters deny these accusations, and the attacks appear to have been weak and poorly organized. However, diplomats who attended the EAC meetings suggest that Kikwete's change of heart came because he believed Rwanda was trying to overthrow Nkurunziza. 

Burundi's crisis is unlikely to escalate further without regional interference. None of the political parties and armed factions in Burundi appear to have the resources or manpower to challenge Nkurunziza's hold on power at the moment. If the region continues on this path, however, the country could take a turn for the worse. Alternatively, if the region opts for peace, there is a strong likelihood they will be able to usher it in. 

Wednesday, July 15, 2015

Jean Kenge: Une crise programmée ?

President Kabila with representatives of the Kimbanguist Church during his consultations (Radio Okapi/John Bompengo)
Censées consolider l’unité du peuple congolais face à «l’agression extérieure» et mobiliser les énergies autour des objectifs du développement, les concertations nationales convoquées fin 2013 n’avaient pas réussi à fédérer l’ensemble des forces vives de la RDC. Bien au contraire, plusieurs acteurs politiques et de la société civile s’étaient désolidarisés de l’initiative en dénonçant son caractère unilatéral et cavalier.

Un rendez-vous manqué, en somme. Le dialogue voulu par l’Accord-cadre d’Addis-Abeba avait ainsi opéré sa mue, exacerbant les divisions au sein de la classe politique congolaise avec d’un côté la majorité à laquelle s’étaient joints certains partis politiques de l’opposition tels que l’UNC, le MLC et l’UFC de Kengo wa Dondo, face à un front du refus mené par l’Udps d’Etienne Tshisekedi et ses alliés.

Entre les deux camps, la communauté internationale dont les envoyés spéciaux – Union Africaine, Union Européenne, USA - s’étaient régulièrement déployés dans la région des grands lacs, n’avait pas ménagé ses critiques, dénonçant le non respect par la RDC de l’un de ses engagements pris dans le cadre de l’Accord d’Addis-Abeba.

Aujourd’hui encore, il n’est pas sûr que la situation n’est pas la même et que les mêmes causes ne finiront pas par produire les mêmes effets. En témoignent les deux principaux messages rendus publics par Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi à l’occasion du 55ème anniversaire de l’indépendance de la RDC.

Si, globalement, le président congolais et le leader de l’Udps semblent s’accorder sur les points à l’ordre du jour du dialogue à venir -  consensus autour du calendrier électoral, fiabilisation du fichier et enrôlement des nouveaux majeurs, financement et sécurisation du processus électoral – ils divergent totalement, en revanche, sur les objectifs et la méthodologie. Ainsi, là où Joseph Kabila est resté muet sur son sort à la fin de son deuxième et dernier mandat, l’Udps martèle sur le respect des articles verrouillés de la constitution – notamment le célèbre 220 qui interdit tout troisième mandat. Même antagonisme en ce qui concerne la facilitation. Là où Joseph Kabila récuse toute médiation internationale, l’Udps invoque l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et appelle la communauté internationale à apporter la garantie de bonne fin du dialogue.

Des positions diamétralement opposées, très caractéristiques d’un véritable dialogue des sourds. Ce qui n’exclut pas des phénomènes de vases communicants entre les deux camps, notamment dans le chef de certains partis politiques de l’opposition – en témoigne leur participation à la session extraordinaire du parlement sur la répartition des sièges pour les élections locales et municipales – tentés de rejoindre les propositions du chef de l’Etat dans l’espoir de jouir des dividendes de l’après-dialogue, là où l’Udps serait tentée de saisir le prétexte du refus de la médiation internationale pour se réconcilier avec le MLC, l’UNC, les FAC...au profit d’un front du refus revu et renforcé.


Il restera, alors, à déterminer quel scénario un tel développement augure pour l’avenir. D’ici là, dialogue des sourds ou concertations nationales-bis, tous les ingrédients semblent se mettre progressivement en place pour une crise déjà programmée. Mais à qui profitera-t-elle ?

MONUSCO: Waltzing alone?

Martin Kobler in front of the UN Security Council (UN Photo/Loey Felipe)
Yesterday, the head of the UN peacekeeping mission in the Congo (MONUSCO) was typically upbeat in his briefing to the Security Council. Martin Kobler emphasized the partially full glass, citing a "a ray of hope on one of the front lines" in MONUSCO collaboration with the FARDC in recent operations against the FRPI militia in Ituri. He was even quoted by Reuters later as saying that he had dropped the demand that the Congolese army remove two controversial generals from their operations in the East, which had sparked the suspension of collaboration between the two forces in January. (That may have been misleading, according to a source in the UN mission, who says that MONUSCO is still asking for an investigation to be launched into the two generals, which has not been forthcoming).

But the key, less sanguine, line came earlier in Kobler's presentation: "The success of our mandate rests on a continued, constructive, partnership with the Government."

So what's with that partnership? 

Following the suspension of military cooperation, and a sharp disagreement over how many troops should be reduced during mandate renewal in March (the UN decided on not renewal a temporary increase of 2,000, whereas the Congolese government had asked for a decrease in 6,000), the two sides began a "strategic dialogue" in order to iron out their differences. 

Alas, the dialogue has made slow progress. As one UN official told me, "the government wanted to get through the dialogue what they couldn't get at the Security Council: troop reductions." Recently, the two sides conducted a joint evaluation mission to the eastern Congo to assess the security situation. The government concluded that things were looking good and that MONUSCO should begin downsizing. While the UN can begin reducing troop levels without Security Council approval, this would be difficult to justify: the figure of 2,7 million displaced has remained relatively static over the past year, inching up to 2,8 million in March, and little progress has been made of late against armed groups or in the training of new Congolese army units.

The assessment mission did not break the deadlock in military cooperation. While joint operations started up again in Ituri, there is only informal collaboration in the Kivus in the Sokola I and Sokola II operations against the ADF and FDLR, respectively. And Kobler has ruled out launching unilateral operations against armed groups for now.

Military operations are only one part of the mission's mandate. However, the Congolese government has avoided discussing MONUSCO's political attributes. For example, the Security Council asked Kobler to provide his "good offices" to facilitate a dialogue among political parties concerning the electoral process. He tried to do so last year, but was quickly reprimanded by President Kabila. Since then, he has been forced to instead rely on one-on-one discussions with political parties. Kabila's stand remains firm; most recently, the government rejected the opposition UDPS party's demand that there be an international facilitation for any political dialogue.

Without a political role to play, and stonewalled militarily, MONUSCO has been increasingly marginalized, despite its 20,800 troops, 3,500 civilians, and $1,4 billion budget. This is not a new development––it is a trend that dates back to the end of the transitional government in 2006; the robust peacekeeping in Ituri of 2005-2006 and of the Force Intervention Brigade in 2013 are exceptions to this.

Will the trend continue? Will MONUSCO play an important role in the 2015-2017 electoral process, in negotiations with armed groups, or in the new DDR process? Or is the mission on its way out? As Kobler said, the answers to these questions are constrained by the government's attitude, which has been largely antagonistic in recent years. The challenge for UN leadership will be to find leverage and common interests where it can. As Martin Kobler will soon be leaving, that will largely be a task for his successor.

Friday, July 10, 2015

Jean Kenge: En rire ou en pleurer ?

©Kash 2015
Les Congolais ne savaient pas, le week-end dernier, quelle attitude adopter face à la montée au créneau de plusieurs représentants des pouvoirs publics qui se sont précipités à étouffer l’ affaire de la prétendue plainte du chef de l’Etat contre certains de leurs dirigeants.

Selon plusieurs médias – dont l’Agence France Presse et Radio Okapi –  qui ont évoqué l’affaire, le chef de l’Etat congolais avait, par l’entremise de son conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, déposé le 23 juin 2015 une plainte à l’office du procureur général de la république à charge de plusieurs personnalités publiques pour corruption, détournement de deniers publics, etc. Selon les mêmes sources, quatre gouverneurs de province, l’ancien directeur de cabinet du président de la république, un membre du gouvernement en fonction et un autre ayant déjà quitté ses fonctions au sein de l’équipe gouvernementale étaient visés par la plainte. Des noms des gouverneurs de province tels que Moïse Katumbi Chapwe (Katanga), Marcellin Chishambo (Sud-Kivu), Alphonse Ngoyi Kasanji (Kasaï Oriental), Alex Kande Mupompa (Kasaï occidental) ont été abondamment cités.

L’onde de choc a été telle que plusieurs sources officielles ont aussitôt entrepris, sinon de démentir l’information, à tout le moins de la nuancer.

Julien Paluku, gouverneur du Nord-Kivu, a été le premier à proposer la première partition de ce changement de ton en parlant de rumeur. C’était  le 25 juin à l’issue d’un entretien entre Joseph Kabila et les gouverneurs de provinces venus à Kinshasa lui faire le rapport des consultations avec les forces vives de l’arrière-pays sur le dialogue politique. Personne ne l’avait pris au sérieux. Jusqu’au moment où,  jeudi 02 juillet,  le procureur général de la république en personne, Flory Kabange, a confirmé ce nouveau développement. Premièrement, en parlant d’une dénonciation et non d’une plainte, ce qui en change la portée. Deuxièmement, en confirmant l’ouverture d’une information judiciaire qui risque, évidemment, de prendre du temps et d’exiger des moyens conséquents…
La déclaration était assortie d’une menace contre tous ceux qui continueraient à citer des noms en piétinant le principe de la présomption d’innocence.

Deux questions pouvaient, au minimum, se poser à ce stade. La première : un président de la république peut-il verser dans la dénonciation et la délation au risque de s’exposer à des poursuites? Deuxième question : pourquoi les médias ayant cité des noms ne sont-ils pas poursuivis ou, à tout le moins, mis au défi de produire la fameuse plainte afin d’édifier l’opinion?

Le déminage délicatement entrepris par le procureur général de la république poursuivait ainsi clairement l’objectif non pas d’apporter un nouvel éclairage mais d’étouffer l’affaire. Pour preuve, ses déclarations telles que «les enquêtes de ce genre sont longues» ou encore «quelqu’un qui détourne ou qui fait l’exercice de blanchiment de capitaux prend toutes les précautions pour ne pas se faire prendre ».

Pour autant, la volonté d’imposer le silence n’a pas toujours suffi,  certes pour des raisons parfois inattendues. Ainsi dans un communiqué rendu public vendredi 03 juillet, le premier ministre Matata Ponyo s’est cru à son tour obligé de jouer sa propre partition. D’abord, en appuyant le procureur général de la république avec une mise en garde à tous ceux qui risquaient de porter atteinte à l’honneur de certaines personnalités en continuant de citer des noms. Ensuite, en tirant subtilement la couverture de son côté par la réaffirmation du leitmotiv qui a toujours conduit son action depuis qu’il s’était occupé du ministère des finances jusqu’à son ascension à la Primature. Une action, au plan tant juridictionnel qu’institutionnel, qui a beaucoup investi dans la lutte contre la corruption et les détournements.

Question : le premier ministre s’est-il senti menacé, d’une manière ou d’une autre, par cette affaire, du simple fait que l’un ou l’autre membre du gouvernement aurait été cité, ou s’est-il senti obligé de prêcher anticipativement  - mais pourquoi donc - la pédagogie de la solidarité gouvernementale? On ne le saura peut-être pas de sitôt. Ce qui est sûr en revanche, c’est que Matata Ponyo s’est publiquement insurgé contre «la crédibilité des documents contradictoires actuellement en circulation au niveau de la presse, et qui, malheureusement, citent le nom d’un membre du gouvernement en fonction et évoquent les fonctions d’un autre déjà parti du gouvernement».

Opération réussie? L’interrogation persiste, d’autant que le premier ministre a visiblement tenu à s’exposer lui-même dans une affaire où il n’était pas cité. De même,  si les documents en circulation sont contradictoires, ils ont néanmoins le mérite d’exister et de n’avoir pas fait l’objet d’un démenti formel dans les médias incriminés. Et s’il est légitime de s’interroger sur la crédibilité de ces documents, il est en même temps difficile d’éviter qu’une telle ligne de défense ne se justifie pas par la confirmation que des noms ont été cités…Ce que le premier ministre vient de faire à travers son communiqué.

La quadrature du cercle, en somme. Car, si le mérite d’un faux est de mettre en lumière le vrai, dans le cas d’espèce, plainte ou dénonciation, le document authentique n’est toujours pas venu chasser le faux afin de couper court à la rumeur. Mais encore?

A l’évidence, le procureur général de la république s’est employé à désamorcer une bombe dont l’explosion pouvait donner lieu à des effets inattendus dès lors qu’«accusés» ou «dénoncés» pouvaient utiliser tous les moyens à leur disposition pour se défendre. De son côté, concerné ou non, le premier ministre a cru bien faire en s’inscrivant dans cette logique afin de mieux marquer son territoire. Malheureusement, il n’a réussi qu’à soulever des questions sur les non-dits de sa démarche.
Au bout du compte, c’est une courbe rentrante dont ne sort pas grandi le conseiller spécial du chef de l’Etat, Luzolo Bambi Lessa, qui devra seul porter le chapeau du ratage monumental d’une opération qui n’a pas été appuyée par «des enquêtes des services attitrés», lit-on, comme une critique qui ne veut pas dire son nom, dans le communiqué de la Primature. Mais aussi le peuple congolais qui pouvait espérer des révélations inédites sur la gouvernance de la RDC.

Alors, en rire ou en pleurer?

En rire, parce qu’il s’agit d’un imbroglio politique que le gouvernement congolais aurait pu éviter. Quitte à déplorer encore une fois la tendance des acteurs politiques à se précipiter, à ne pas mûrir les dossiers, à ne pas prendre le temps de les approfondir, préférant sans aucun doute l’effet d’annonce, le règlement des comptes dans la perspective des élections, ainsi que la politique du spectacle.

En pleurer parce que le coup de frein imprimé brutalement à cette affaire qui commençait à mobiliser l’opinion tant nationale qu’internationale par son caractère inédit et spectaculaire prive les Congolais des révélations qu’ils étaient en droit d’espérer sur les mœurs politiques et la gouvernance de leur pays...